La guerre.
Le 28 octobre 1913, Pineau se porte volontaire pour 3 ans : il est affecté au 113e régiment d’infanterie où il devient conducteur d’automobile. Blessé aux reins par des éclats d’obus, il passera ensuite dans le 82e régiment d’artillerie lourde et conduira des tracteurs de pièces et de munitions.
« Les 4 Vents ».
De retour à la vie civile, Pineau rencontre une femme de 23 ans, Antoinette Rose Jeanne Hauüy. Le couple se marie le 23 octobre 1919 à Clamart et s’y installe, d’abord chez les parents d’Antoinette, puis Villa Elise, avenue du Cimetière. En 1920, ils donnent naissance à une petite fille qu’ils prénomment tout naturellement Elise. Trois ans plus tard, le malheur vient frapper à leur porte : la petite Elise décède. En 1926, Alexandre fait construire sa propre maison au 22 avenue du Cimetière. Il l’appelle « Les 4 Vents ». La chambre du haut, orientée au nord, possède une vue dégagée sur l’ouest parisien et le Mont Valérien. Cette chambre deviendra son atelier.
La perte de sa fille va marquer profondément son œuvre, tant par le choix de ses sujets que dans la technique. Sa peinture devient, toute entière, un hommage au monde de l’enfance, de ses tendresses, ses couleurs et ses joies, le tout habité d’un imaginaire féérique. Les aspects sombres de l’existence sont traités avec distance, douceur, préservant l’espace intérieur des noirceurs de la réalité extérieure. Pineau c’est l’œil de la gentille dérision. Le peintre va alors fréquenter les fortifs, à la rencontre des êtres qui se trouvent en marge de la ville. C’est la découverte du cirque, de ce monde itinérant des gens du voyage. Les clowns l’émerveillent : se voit-il ainsi ? En autoportrait moqueur qui fait sourire les enfants ? Dans les années 1930, le peintre s’est grimé plusieurs fois en clown, soit lors de soirées de réveillon, soit lorsqu’il jouait dans un petit théâtre qui s’appelait « Le moulin de Gringoire ». Dans l’univers du cirque cher aux artistes du Montparnasse, ce sont aussi les funambules, ces êtres de l’équilibre poétique, miraculeux, au-dessus du vide ou du chaos.
Montparnasse.
Alexandre Pineau s’affirme comme peintre vers 1925. Retrouvant son quartier d’enfance, il fréquente Montparnasse et ses cafés, point de ralliement des artistes. En 1928, il fait la rencontre d’un homme qui lui ressemble à plus d’un titre : Auguste Clergé. Ils vont se trouver des points communs par les épreuves traversées, la peinture et bien sûr le cirque, le théâtre et la zone.
Minor Swing.
Pineau, avec son air manouche, moustache à la Django Reinhardt, se nourrit des échanges avec la communauté des Montparnos. Il expose au Salon des Indépendants, aux Artistes Français, ainsi qu’au Salon des Surindépendants. Sa peinture s’imprègne de la douceur populaire ; il est un coloriste généreux ; les tonalités chaudes sont rythmées dans des compositions minutieuses. Il y a du Fellini dans ses scènes de vies. Les enfants en mouvement sont exagérément plus petits par rapport à la taille des adultes qui apparaissent immenses. Son œuvre, par sa fraîcheur et son caractère joyeux, est à rapprocher de celle des « Primitifs Modernes », du Douanier Rousseau ou d’André Bauchant. Ses thèmes de prédilection sont ceux d’une France rêvée, celle des Années 1930 et de l’après-guerre : villages, campagnes, balades dans la nature animée, spectacles de rue, campements dans les terrains vagues en bordure de la ville avec ses poussées de barres d’immeubles qui isolent et étouffent. Pineau peint comme on imagine, comme un ambulant, c’est une flânerie le long de la route ou en bord de Marne, ce sont les beaux dimanches de congés. Ce sont les courses de chevaux ou de bicyclettes, les animations de kermesses, les chanteuses de rues, les haltérophiles des boulevards… Nostalgie d’une époque ou recoins secrets de la mémoire imaginaire. Et par cette « réalité » transposée, tel un Jacques Tati de la peinture, c’est notre réalité qui se trouve soudain mise en perspective sous nos yeux étonnés et souriants.
Au cœur du peuple, Alexandre Pineau consacre sa vie à la peinture, en observateur tendre, le regard bienveillant sur le grand manège du monde. Sa peinture marque une délicate distance, se place en retrait des affres sombres de l’existence, à la manière d'un refuge dans lequel l’âme de l’enfant serait à jamais préservée.
Exposition rare de près de quarante œuvres : huiles, aquarelles, pastels et dessins retraçant une vie de peinture. À cette occasion, un beau catalogue de 80 pages a été édité et sera disponible à la galerie.
Rendez-vous donc jeudi 04 novembre, en présence de Monsieur Pavie, la famille du peintre, et de toute l'équipe des Montparnos, afin de nous retrouver et partager un moment de joie et de poésie autour d'une œuvre redonnée à la mémoire...