"Photos de Famille" Exposition décembre 2024
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Personnages et découpages
La naissance de cette étrange occupation de découpage, trouve son origine dans mon intérêt permanent depuis l'enfance pour les photos de ma famille, l'idée d'un monde perdu auquel je n'ai pas eu accès.
Des amis disposaient d'un globe ancien qu'ils ont fait électrifier. Certes l'ampoule était très décorative, mais ils trouvaient ce globe un peu vide.
Je leur ai proposé d'y installer un personnage, germe d'un récit imaginaire possible.
Doté d'un chapeau et d'un étendard, sous un décor de grand pavois, René, mon oncle, devint : « René petit héros ».
Quand j'ai commencé à « détourer » des silhouettes sur des photos de famille pour en faire des personnages, « René petit héros » « Simone danse », je n'avais pas conscience de refaire des gestes initiés plus d'un demi siècle plus tôt par mes jeux d'enfant.
Je garde de l'Algérie que j'ai quitté avec ma famille à l'âge de 5 ans, le souvenir précis de l'appartement que nous habitions, au rez-de-chaussée d'une vaste maison et son jardin étroit et ombragé.
Quelques mois avant de quitter ce lieu, mes parents ont accueilli une cousine de ma mère et sa famille pendant plusieurs semaines afin de les mettre à l'abri de l'insécurité que la guerre faisait peser sur leur quartier.
Isabelle était une femme enjouée, très bavarde. Elle me consacrait du temps et inventait des histoires.
Avec de la pâte à modeler, elle façonnait un mobilier rudimentaire et nous découpions des silhouettes de personnages dans des magasines. Ils étaient les acteurs des histoires qu'elle racontait et qu'elle adaptait au fil de ce qu'elle percevait de mon intérêt.
Ces boites de photos que j'explore depuis l'enfance contiennent les traces d'une légèreté de la vie qui s'est dissipée. Je ressens depuis longtemps le sentiment d'être arrivé un peu tard, après la fête, le regret de n'avoir pas connu mon grand-père et mon oncle maternels.
Ces regrets se sont mués en mises en scène imaginaires de ces personnages jamais rencontrés et familiers.
Une trace, un souvenir de vie.
« Qu'est ce qu'un globe » me demande Henry.
Avant tout un objet dont la forme et la transparence conditionnent le contenu. Cela fait quelques années que je traque les globes dans les brocantes, chez des particuliers, au gré de mes déplacements : « la chasse aux globes ».
Ils arrivent avec leur contenu, couronnes de mariée défraichies, posées sur des velours élimés, entourées de miroirs et de fleurs dorées, horloges arrêtées depuis des lustres ou globes orphelins séparés de leur socle et leur contenu.
Ces objets clos possèdent une face transparente créant une interface entre intérieur et extérieur.
A l'extérieur, la réalité qui nous soumet à l'intransigeance de sa logique, à l'intérieur, un monde imaginaire peuplé d'images, de représentations raccrochées à des évocations.
Ces personnages familiers traversent les générations, ils peuplent des histoires singulières dont je crochette les éléments saillants qui émaillent les récits.
Dans des ambiances lumineuses et végétales, ces juxtapositions imaginaires créent un univers poétique.
Ces dioramas permettent de théâtraliser et mettre en valeur des personnages familiers qui sous une guirlande de fanions et de points de lumière viennent rejoindre l'univers de « la vie est une fête ». HT